Henriette de Coligny, comtesse de La Suze

De SiefarWikiFr

Henriette de Coligny, comtesse de La Suze
Titre(s) Henriette de Coligny, comtesse d’Haddington, comtesse de La Suze
Conjoint(s) Thomas Hamilton, comte de Haddington
Gaspard de Champagne, comte de La Suze
Dénomination(s) Henriette de Coligny, madame de La Suze, la comtesse de La Suze
Biographie
Date de naissance 17 janvier 1623
Date de décès 9 ou 10 mars 1673
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Marguerite Buffet (1668)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Élise Legendre, 2025

Henriette de Coligny naît le 17 janvier 1623 à Châtillon (Loiret) dans une famille protestante d’une grande noblesse. Fille de Gaspard III de Coligny, maréchal de Châtillon et de France, et d’Anne de Polignac, elle est aussi l’arrière-petite-fille de l’amiral de Coligny assassiné lors de la Saint-Barthélemy. Elle se marie en 1643 avec Thomas Hamilton, comte de Haddington et le suit jusqu’en Écosse. Devenue veuve en 1645, elle revient en France. Lors de son second mariage en 1647 avec Gaspard de Champagne, comte de La Suze, elle prend ce nom qui deviendra son nom d’autrice. Son mari, qu’elle répète ne pas avoir choisi, s’avère borgne, ivrogne et endetté (Tallemant, Historiettes). Elle séjourne alors à Paris, à Lumigny ou encore à Belfort, Gaspard de Champagne étant le seigneur de cette ville de 1640 à 1658. Avant la fin de l’année 1651, Henriette quitte Belfort pour Paris, où elle se convertit au catholicisme deux ans plus tard, afin de ne se trouver avec son mari, ni dans ce monde, ni dans l’autre, selon les mots de Christine de Suède régulièrement repris dans les jugements et notices biographiques à son sujet (voir exemple infra). Ajoutons que cette conversion est avant tout une manière de se fondre dans la société catholique, alors dominante, au vu de la situation des protestants en France à cette période. Un acte notarié du 27 août 1661 déclare la séparation des époux, à la demande de la comtesse. Son époux fait appel et Henriette utilise l’ultime argument pour obtenir gain de cause : celui de l’impuissance dudit mari. Elle ne souhaite pas se remarier et consacre sa vie aux lettres. Elle meurt le 9 ou le 10 mars 1673.
Connue en littérature sous le nom de « comtesse de La Suze », elle est considérée comme l’une des poétesses les plus marquantes du siècle. Elle est en effet à la tête d’un salon parisien très fréquenté où se rendent ses amies, Ninon de Lenclos, Mme de Villedieu, Madeleine de Scudéry. Elle compte un grand nombre d’émules. Ses premiers vers sont publiés en 1653 dans le recueil Sercy (Poésies choisies), mais ils circulaient déjà sous forme manuscrite. L’histoire littéraire associe son nom à une forme poétique dans laquelle elle s’est illustrée : l’élégie. C’est elle qui a remis en vogue cette forme antique en l’adaptant au goût du temps. Si son corpus est souvent réduit à cette forme, elle s’est aussi illustrée par la composition de chansons et dans d’autres petits genres poétiques mondains. Son style, souvent décrit par ses éditeurs et commentateurs comme tendre, délicat ou passionné, se distingue par ses accents élégiaques ou discrètement érotiques, notamment dans ses chansons. Ses élégies, véritables « tubes » (M. Speyer, voir infra), sont éditées et rééditées dans les recueils collectifs les plus célèbres de son époque. Ses pièces sont notamment diffusées dans le recueil La Suze-Pellisson (G. Quinet, 1663) qui connaîtra de multiples rééditions et augmentations jusqu’en 1748. Elle obtient également un privilège pour imprimer un recueil personnel qui paraît en 1666 chez C. de Sercy. Elle fait ainsi partie des rares poétesses du XVIIe à publier une édition personnelle de ses vers. Son œuvre reste en vogue dans la première partie du siècle suivant. Toutefois, si certains lui attribuent la fameuse élégie « Tristesse, ennui, chagrin », cette attribution est discutable : l’élégie apparaît dans le recueil Lauvergne (1680) et non dans son recueil personnel ; de plus la comtesse n’a jamais signé cette élégie, alors qu’elle avait l’habitude de signer ses poèmes de son nom complet ou de ses initiales M. L. C. D. L. S. – ce qui va contre l’usage du temps pour une femme de son rang.
Si l’œuvre de la comtesse de La Suze a mérité les éloges de Boileau, puis a été reçue au XVIIIe siècle comme le pendant moderne des élégiaques latins, nombreux sont ceux qui répètent que la comtesse aurait été aidée par Subligny et Montplaisir. De même, après la publication du recueil Barbin (Recueil des plus belles pièces des Poètes français, tant anciens que modernes, 1692), les anthologies ne citent plus ses vers sans les altérer (M. Cuénin, infra, p. 284-289). Son œuvre est donc malmenée au fil des siècles, l’aspect sentimental (voire immoral : on lui prête de nombreux amants) de sa vie étant davantage commenté. Quand ses vers sont mentionnés, ils sont jugés tantôt trop efféminés tantôt trop vigoureux pour être ceux d’une femme. Il faut ainsi réhabiliter la grande modernité de cette autrice qui a revendiqué le droit de choisir librement un mari tout comme celui d’écrire des vers, ce que son œuvre rappelle régulièrement en filigrane. L’édition complète de M. Cuénin-Lieber (2017) permet d’aborder pour la première fois son corpus dans sa totalité.

Outils personnels